top of page
  • Photo du rédacteurRafa

À la rencontre de Pep Muñoz : entraîneur adjoint de la sélection chinoise passé par la Masia


entraîneur football avec ses joueurs sur terrain de football avec la sélection chinoise


Passé par la Masia où il a eu sous ses ordres notamment, Adama Traoré, Munir El Haddadi, ou encore Sergi Palencia (passé entre autres par les Girondins de Bordeaux et l’AS St Étienne), Pep Muñoz est aujourd’hui l’entraîneur adjoint de la sélection nationale chinoise. Le technicien catalan s’est longuement confié pour Los Hinchas Football sur son rôle chez les jeunes au F.C Barcelone, son regard sur le futur du club blaugrana, le développement du football dans l’Empire du Milieu, ainsi que sur ses différentes expériences en Chine.


Comment avez-vous intégré la Masia ?


J’ai rejoint la Masia suite à mon passage en tant qu’entraîneur principal de l’équipe amateure de Lleida, ville d’où je suis originaire et avec laquelle j’affrontais toutes les équipes catalanes dont le Barça. En 2011, Oscar Garcia, alors en charge des U19 du F.C Barcelone, m’a proposé de rejoindre son staff en tant que coach assistant. Cette même année, les équipes de jeunes du Barça ont intégré la structure du club. Rejoindre le F.C Barcelone, me permettait donc de travailler dans une structure professionnelle dans laquelle les équipes de jeunes font partie intégrante, au même titre que l’équipe première ou le Barça B.


Quels souvenirs gardez-vous de ce passage ?


J’en garde de très bons souvenirs. Je faisais le même travail qu’à Lleida, à la différence près, que quand tu fais partie d’une structure comme celle du F.C Barcelone, le club met à ta disposition tous les moyens nécessaires pour bien travailler. Tu bénéficies d’installations de top niveau, et surtout, tu as la chance de travailler avec des joueurs au potentiel incroyable, des joueurs faisant partie des meilleurs au monde, selon leur tranche d’âge. Mes premières impressions me permettaient de me projeter, et j’ai très vite su que j’allais faire de belles choses là-bas.


D’après votre expérience, qu’est-ce qui fait que la Masia est une école de football différente des autres ?


Je pense que la différence principale passe avant tout par le style et la philosophie de jeu du Barça. Ce qui prime, c’est d’avoir la possession du ballon systématiquement et d’être agressif à sa perte, de façon à le récupérer le plus haut possible sur le terrain et être toujours dangereux. On pense que c’est plus simple de gagner des matchs en ayant la possession du ballon et en s’amusant plutôt qu’en passant son temps à défendre dans ses 30 mètres. Mon rôle était de former les joueurs dans cette philosophie et de les aider à se developper dans leurs positions respectives. Chaque équipe du centre de formation travaille avec pour objectif de préparer ses meilleurs joueurs pour l’équipe senior. D’ailleurs, toutes les équipes du club utilisent le même système de jeu et mettent en application les mêmes préceptes, de façon à faciliter l’intégration des jeunes à l’équipe une.


Et pourtant, entre Sergio Busquets en 2010 et la nouvelle génération composée des Nico, ou Gavi, il n’y a eu aucun joueur qui ne s’est réellement imposé en équipe première. Pourquoi selon vous ? Personnellement, j’ai du mal à imaginer qu’en plus de dix ans, aucun joueur n’avait le niveau pour s’imposer.


Arriver à atteindre l’équipe une du Barça est très compliqué et s’y imposer l’est encore plus, du fait que le club a pour but d’évoluer avec les meilleurs joueurs au monde. Ensuite, différents facteurs entrent en ligne de compte, il y a de très bons joueurs étrangers au club qui peuvent quelque part bloquer ou freiner la progression des joueurs du centre de formation. D’ailleurs depuis quelques années, il n’est pas rare de voir des jeunes formés à la Masia, quitter le club, aller chercher du temps de jeu dans d’autres championnats avant peut-être de revenir. Ce fut le cas de Gerard Piqué, qui avait quitté le Barça pour Manchester United, et qui une fois revenu, n’était plus un jeune espoir, mais un joueur confirmé. Cette année, on a quand même vu les retours d’Eric Garcia et Adama Traoré, après des expériences à l’étranger. Pour revenir à des joueurs comme Xavi, Iniesta ou Busquets, le club a su se montrer patient avec eux. La direction a pris le temps de les laisser se développer, grandir, et leur a surtout donné une chance de s’installer dans le groupe professionnel avec quelques bouts de matchs au début. C’est un peu ce qu’il se passe en ce moment avec Nico et Gavi.


Pensez-vous que les retours de Laporta et Xavi, vont faciliter le retour des jeunes en équipe première ?


Sans aucun doute, oui. Le fait que Xavi soit à la tête de l’équipe, incite tous les jeunes à rêver d’une trajectoire similaire à la sienne. Depuis son intronisation en tant que coach, on a d’ailleurs pu voir de nombreux jeunes joueurs faire leurs premières apparitions en équipe première. Je pense à Elias, Abde ou Jutglà par exemple. Le fait que Xavi soit un pur produit de la Masia fait qu’il connaisse toutes les étapes par lesquelles un jeune doit passer afin de s’imposer au club. Il connaît aussi toutes les difficultés que ce dernier peut rencontrer, et au-delà de n’être qu’un entraîneur, il a aussi ce vécu commun qui ne peut être que bénéfique pour les jeunes du centre de formation. Il est la personne idéale pour fédérer les joueurs du centre de formation, qui comme lui, pour la plupart, sont issus de la région et pour qui l’amour du maillot ainsi que la possibilité de défendre les couleurs du Barça sont des valeurs très importantes. Je pense honnêtement qu’il est l’entraîneur dont le Barça avait besoin en ce moment.


Par la suite vous quittez Barcelone, direction la Chine et Huanghai en 2e division. Qu’est-ce qui motive votre départ, et quelle était votre principale mission sur place ?


Mon départ pour la Chine fait suite à une proposition qui a été faite par le propriétaire de Huanghai à Jordi Vynials en 2015. Le Barça B venait d’être rétrogradé, et le propriétaire de Huanghai nous proposait de débuter l’aventure en 2016. Le président, qui est fan du Barça, avait pour objectif en nous embauchant, de tenter de reproduire le style de jeu mis en place à Barcelone. C’était un projet à moyen, long terme, et pour ma part, je venais en tant qu’entraîneur adjoint de Jordi Vynials.


Avant d’être un professionnel, vous êtes avant tout un homme. Comment organise t-on un tel départ, qui plus est, lorsque l’on doit composer avec sa famille ? et comment ce départ a-t-il été vécu ?


Pour être honnête ma femme et moi avons fait le choix de la stabilité. Pour le bien-être de notre famille, j’ai décidé de partir seul en Chine afin que le quotidien de nos enfants qui sont en bas âge, ne soit pas perturbé et qu’ils puissent continuer à grandir et à s’épanouir auprès de leurs amis et de la famille. Il faut savoir que dans le football tout peut aller très vite et ce n’est jamais très bon de déraciner ses enfants. Néanmoins, tous les mois et demi, ils viennent me rendre visite, et lors des vacances scolaires, ils ont pour habitude de venir. Le fait qu’il n’y ait pas de trêve dans la ligue chinoise, leur a permis de découvrir une autre culture et de voyager en Asie. C’est parfois difficile à vivre, mais c’est le prix à payer si tu veux vivre de ta passion.


Une fois sur place, qu’avez-vous trouvé ? Et était-ce conforme à ce à quoi vous vous attendiez ?


Le choc culturel était énorme, car comparé à l’Europe, tout est différent en ce qui concerne le quotidien, les habitudes, les coutumes, le rythme de vie… Pour ce qui est du football, cela n’a rien à voir avec les us et coutumes des clubs européens. On a tenté de mettre en place des bases de travail comme à Barcelone, mais cela a été compliqué, car il faut savoir qu’il n’y a pas d’esprit de vestiaire en Chine. Par exemple, les joueurs ont l’habitude de se changer dans leur chambre d’hôtel et descendent directement s’entraîner sans passer par la case vestiaire. De même, il est aussi difficile pour eux de s’entraîner le matin, car ils n’y sont pas habitués. En effet, ils ont pour habitude de s’entraîner en milieu de journée ou en début d’après-midi. Quand tu arrives de l’étranger, toutes ces choses peuvent être surprenantes, mais c’est une autre culture à laquelle il faut s’adapter et petit à petit, on a tenté de faire bouger quelques lignes.


Vous qui avez un profil d’entraîneur formateur, que manque t-il selon vous, au jeune footballeur chinois, afin d’être au niveau de son homologue européen ?


(hum) C’est une question complexe, car il y a différents facteurs à prendre en compte. Le premier est dû au confort : ils sont bien payés, sont titulaires dans leur club, vivent à côté de leur famille et ont leurs habitudes et coutumes. Le second à prendre en compte est footballistique. Il manque au footballeur chinois le travail technique de base quotidien que l’on exerce dès le plus jeune âge en Europe. D’ailleurs, beaucoup de clubs ici, ont fait appel à des staffs étrangers afin de gommer ces lacunes. Malheureusement, chaque staff travaille selon sa propre méthode et du coup, il est difficile d’extraire une philosophie et une façon de jouer identifiable pour le plus grand nombre.


Il y a aussi le niveau du championnat qui n’est pas constant, car tu peux vivre de bonnes saisons suivies de saisons avec un niveau beaucoup plus faible. Par exemple, du fait du Covid, cela fait 2 ans que le championnat se joue par cycles de 3 mois. Les joueurs sont dans une bulle et ne sortent de l’hôtel que pour s’entraîner et jouer, du coup cela engendre une certaine fatigue physique et mentale, qui à terme, se répercute sur le terrain et les performances. Il manque aussi une réelle structure, afin que les jeunes joueurs puissent jouer chaque week-end ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Beaucoup de tournois sont organisés à droite, à gauche, mais les jeunes ne jouent pas à une fréquence régulière. On dit que le football se joue sur des détails, et toutes ces choses mises bout à bout font qu’il n’y a très peu de joueurs chinois qui émergent au haut niveau, pour l’instant.


Après Huanghai, vous rejoignez le staff technique du Shandong Luneng, une des équipes les plus importantes du pays. Avez-vous retrouvé une structure similaire à ce que l’on peut connaitre en Europe ? et quel était votre rôle dans ce staff ?


En 2019, j’ai reçu une proposition de Shandong Luneng qui est un des clubs les plus puissants du pays qui est muni des meilleures installations en Chine. Là-bas, j’ai pu travailler avec Marouane Fellaini, Graziano Pellè, Roger Guedes ou Moisés Lima, ainsi que plusieurs joueurs internationaux chinois. Ensemble, on a terminé quatrième du championnat et on perdu la finale de coupe de Chine face au Shangai Shenhua. Malgré tout, cette équipe était très compétitive, et avait à cœur de tout remporter. Au Shandong Luneng, le staff technique, était imposant, nous étions 3 entraîneurs adjoints et l’équipe était dirigée par Li Xao Peng, qui est l’actuel sélectionneur de Chine. Pour ma part, j’étais chargé de l’aspect tactique et en charge de l’animation des couloirs, afin de mettre nos attaquants dans les meilleurs dispositions. Quand tu composes avec des joueurs comme Fellaini ou Pelé dans ton équipe, qui sont très imposants dans les airs, tu te dois de tout faire pour leur donner de bons ballons. C’était pour le coup un modèle qui n’avait rien en commun avec ce que j’avais pu vivre et connaître au Barça et à Huanghai, mais cela m’a permis de me perfectionner et d’étoffer un petit peu plus ma palette.


Vous avez cité plusieurs joueurs étrangers. Vu de l’intérieur, quelle est la valeur ajoutée d’un joueur venant d’Europe ou d’ Amérique du Sud et est-ce que les écarts salariales peuvent créer des distancions entre coéquipiers ?


Les joueurs étrangers viennent en Chine pour faire des différences et c’est pour cela qu’ils sont grassement payés. Marouane Fellaini, lors de sa première saison avait un niveau incroyable. Pelé, Guedes ou Moisés étaient aussi de très bons joueurs et leur rôle était de faire des différences. Concernant les distancions, non, les statuts étaient bien définis et les joueurs locaux le comprenaient parfaitement.


À présent, vous êtes coach assistant de l’équipe nationale de Chine. Une sélection qui malheureusement ne participera pas à la prochaine coupe du Monde. Comment avez-vous vécu cette non-qualification et quels sont vos objectifs au sein de l’équipe nationale à court terme ?


Tout d’abord, j’ai été honoré que Li Xao Peng fasse appel à moi, afin de faire partie du staff de la sélection chinoise. Je les ai rejoints au début du mois de janvier 2022, juste avant les 2 matchs face au Japon et au Vietnam. Concernant la non-qualification, il y a quelques facteurs à prendre en compte. Les joueurs n’étaient pas dans les meilleures dispositions pour jouer ces 2 matchs décisifs, principalement dû à la fatigue physique et mentale emmagasinée lors des deux dernières années et cette bulle Covid que nous avons précédemment abordée. Certains joueurs n’ont d’ailleurs pas vu leurs proches depuis le début de la pandémie, ce qui ne facilite pas la préparation de tels matchs sur le plan mental. De plus, le match contre le Vietnam a eu lieu le jour de la fête nationale chinoise et les joueurs se savaient attendus par tout le pays, ce qui est inhabituel pour eux. Alors oui, aucune excuse n’est valable, mais les joueurs ont fait face à une pression dont ils n’avaient pas l’habitude, et n’ont pas abordé le match de la meilleure des façons possibles.


Si l’on devait faire un comparatif des sélections, je dirais que la sélection du Vietnam se rapproche de la Chinoise, bien que les joueurs vietnamiens sont bien plus jeunes que les nôtres. D’ailleurs, plusieurs joueurs de la sélection actuelle ont joué la finale de la coupe d’Asie U23 2018. Pour ce qui est du Japon, il y a une division d’écart entre eux et la Chine. La majorité des joueurs nippons évolue en Europe et ont joué ce match après avoir joué la phase aller de leur championnat, du coup, ils avaient beaucoup plus de rythme que nos joueurs, qui eux, ont vu leur saison se terminer quelques jours avant ce match.


Aujourd’hui, notre objectif est de former un groupe de joueurs capable de faire bonne figure lors de la Coupe d’Asie 2023 que l’on jouera à la maison. Dans les prochains jours, nous conclurons nos éliminatoires pour la Coupe du Monde au Qatar, face à l’Arabie Saoudite, et Oman. Bien que nous n’avons plus rien à espérer, lors de ces deux matchs, nous devrons nous montrer compétitifs, afin de préparer au mieux nos prochaines échéances.


Après bientôt 6 ans à travailler en Chine, seriez-vous, à moyen terme, intéressé par un retour en Europe ? Et si oui, où aimeriez-vous aller ?


Cela fait en réalité cinq ans que je travaille en Chine du fait de la pandémie. Suite aux restrictions mises en place en Chine, j’étais rentré chez moi en Catalogne et par la suite, il m’était difficile de rentrer à nouveau dans le pays. Mon expérience en Chine est très positive, et je sais qu’en restant sur place, j’aurai toujours des opportunités, même si je reconnais que je ne serais pas contre le fait de me rapprocher de mes proches. Cela dit, il m’était impossible de renoncer à l’opportunité de faire partie du staff d’une équipe nationale. Dans le futur, j’aimerais un jour retourner au F.C Barcelone qui est mon club de cœur, et celui qui m’a ouvert les portes du monde professionnel.


Enfin, tout au long de votre carrière, vous avez été un historique numéro deux. Avez-vous pour objectif, un jour de passer le pas et devenir entraineur principal ?


J’ai déjà été entraîneur principal pendant 5 ans, du côté de Lleida, avant ma période barcelonaise (rires). Mais tu sais, de nos jours, les responsabilités dans un staff sont assez partagées, et ce qui fait la force d’un bon staff, c’est que chacun amène son expérience et ses qualités. Personnellement, j’ai beaucoup de responsabilités, et je m’épanouis totalement dans mon rôle, et puis dans le foot actuel, la seule différence entre le coach assistant et le coach principal, est que c’est ce dernier qui est le dernier décideur sur quel joueur convoquer ou écarter. Devenir entraîneur principal, n’est clairement pas un de mes objectifs, et pour le coup, je me verrais davantage être en charge d’un centre de formation, afin de développer et faire progresser les jeunes. Quand je vois la situation en Chine, je me dis que le potentiel est gigantesque, et qu’il ne demande qu’à être bien exploité.


PROPOS RECUEILLIS ET TRADUITS PAR RAFAEL CACERES

339 vues

Comentários


bottom of page