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Play on, Playoffs ?


match play-offs football belge


Inaugurés lors de la saison 2009-2010, les playoffs sont plus que jamais d'actualité en Belgique. À l'heure où l'on murmure que ce type de championnat pourrait un jour débarquer dans des compétitions nationales plus huppées, le système génère toujours autant de débats au Plat Pays. Après plusieurs changements de formats, notamment concernant les Playoffs 2, il est désormais temps de faire un état des lieux, afin de savoir si oui ou non, toutes les promesses annoncées ont été tenues.


Un casse-tête, des promesses


Lorsque les dirigeants de l'époque décident de lancer les playoffs, le football belge pointe à la 14e place du coefficient UEFA. Talonné par la Suisse et le Danemark et un peu distancé par l'Écosse, le football belge doit une nouvelle fois se réinventer, pour ne pas dégringoler dans ce classement si particulier, sous peine de devoir jouer les tours préliminaires avec nos voisins luxembourgeois. Si le sportif importe évidemment les décideurs, ce n’est pas, à première vue, la question primordiale. Ce qui cristallise les discussions ? L’argent évidemment.


En augmentant le nombre de journées, le diffuseur de l'époque (BelgacomTV) accède forcément à plus de matchs que dans un championnat plus classique. Plus de matchs signifient donc, plus de diffusions et donc plus de recettes liées au sponsoring et à la publicité. L'argent dégagé est donc une bonne bouffée d'oxygène pour un championnat qui souffre et qui paye encore et toujours les pots cassés de l'arrêt Bosman.


Les initiateurs du projet promettent également une hausse significative du niveau de jeu ainsi que plus de suspens, car au terme de la saison régulière (cela, signifie-t-il que les playoffs sont irréguliers ?), les six meilleurs clubs jouent une sorte de mini-championnat pour déterminer définitivement les places européennes. Après trente matchs (à l'époque où la D1 comptait seize équipes), on divise les points en deux (à l'arrondi supérieur pour les nombres impairs, un arrondi qui ne compte pas en cas d'égalité) et un nouveau groupe apparaît, pour une nouvelle série de dix matchs.


Et les autres me direz-vous ? Pareil, les équipes du milieu de tableau jouent aussi un mini-championnat. Deux poules de six équipes, avec des clubs de deuxième division pour faire le nombre. Mais ici, point de division : tout le monde repart à zéro, chose assez incompréhensible, même pour un suiveur régulier de la Jupi’.


Le vainqueur des PO2 joue un aller-retour contre le 4 ou 5ème des PO1 (tout dépend de la coupe et de son vainqueur). Ce match, l’un des seuls ayant réellement de l’intérêt, sert uniquement à déterminer le dernier ticket européen.


Cette formule, qui devait servir de tremplin pour aguerrir les jeunes et les former au monde professionnel, nous a surtout donné une ribambelle de matchs soporifiques au possible. Et probablement autant de matchs qui ont fait l'objet de trucages, tant certains scores étaient parfois surprenant. Avec des joueurs peu concernés, des jeunes lancés dans des conditions exécrables (souvent plus pour les contenter que par vraie plus-value sportive) et des entraîneurs pas toujours emballés par le schéma des playoffs, le spectacle est parfois désolant.


Last but not least, les PO3. Pour déterminer qui descend entre le 15e et le 16e, la série se joue en cinq petits matchs. Comme pour les PO2, le niveau oscille entre parfois moyen et souvent mauvais. Un spectacle qui ne passionne que les concernés, qui acceptent souvent de faire l’impasse sur le jeu proposé (par habitude déjà), afin de voir leur club survivre une année de plus dans l’élite du football belge.


Une réussite ? Oui, mais...


Plus de dix années après l’instauration des playoffs, l’heure est désormais aux bilans.


Financièrement parlant, c’est indéniable, les clubs sont devenus plus riches (ou a minima, moins pauvres). À chaque renégociation de contrat du championnat, le montant des droits TV augmente en flèche. Pour la saison, 2010/2011, BelgacomTV avait dépensé 44,7 millions d’euros. Aujourd’hui, se payer la Jupiler Pro League est un petit luxe et ElevenSports, le nouveau diffuseur, dépense 100 millions d’euros par saison, jusqu’en 2025. Faites les comptes, la somme est rondelette.


Alors, oui, l’argent coule à flots désormais. Néanmoins, les clubs belges se heurtent toujours au même plafond de verre. Les clubs, qui ont passé un cap dans la formation depuis deux décennies, ne parviennent pas à conserver les meilleurs éléments de leur championnat. Il n'est pas rare de voir des joueurs quitter la Pro League après une saison seulement, parfois même au mois de janvier, si le joueur excelle et que l'acheteur (très souvent anglais) est vraiment dans de sales draps au niveau de son effectif.


Force est de constater que depuis les débuts de ce système, le coefficient a évolué et plus que favorablement. Pour cette saison 2021-2022, la Belgique est neuvième et a donc progressé de cinq places.


Mais, est-ce dû aux playoffs, ou est-ce lié à une baisse du niveau des championnats concurrents (comme l'Écosse) par exemple ? Difficile à dire de prime abord, mais sans doute un peu des deux. En effet, neuvième sur cinquante-cinq est un joli classement, mais les performances pures ne sont pas folichonnes.


Durant les dernières années, les clubs belges sont apparus seulement trois fois en quarts de finale de l'Europa League. La dernière fois, c’était le Racing Genk, en 2017, sorti de justesse par le Celta Vigo (4-3 en cumulé). La même saison, nos voisins bataves placent une équipe en finale (l'Ajax Amsterdam). Un constat amer, traduit par cette saison 2017. Car si les Pays-Bas envoient moins de clubs que la Belgique, les Néerlandais passent plus souvent les phases de groupe et vont généralement plus loin. Il semble quasiment impossible aujourd’hui de voir un club belge réaliser l’exploit des jeunes ajacides de 2019. D’ailleurs, il semble impossible d’imaginer, à l’instant T, un quelconque parcours belge en Champions League, tant le gouffre entre nous et le gotha européen semble infranchissable.


Fait amusant : il est intéressant de noter que les Pays-Bas ont abandonné leurs playoffs alors que la Belgique initiait les siens. Une stratégie qui paye et qui fait relativiser sur l’apport réel des playoffs au sein du championnat belge.


Le niveau du championnat, a-t-il augmenté ? Probablement, même s’il est toujours difficile de quantifier cette question. Il est indéniable cependant, qu'au bout d'une saison longue, avec une coupe nationale et des obligations internationales pour certains, les joueurs ne sont plus aussi frais. Le niveau s'en ressent grandement, et pour un bon match en PO1 (ceux qui comptent), combien de matchs poussifs avons-nous eu, où les équipes calculent pour ne pas perdre leurs avantages durement acquis durant la saison régulière. Le suspens lui, est bien au rendez-vous, grâce à la division des points. Il est donc tout à fait possible d'être champion en étant à quinze points du premier après les trente premières journées.


À cet égard, la saison 2012/2013 en est un parfait exemple. Lors de la dernière journée, Zulte-Waregem et Anderlecht se disputaient la couronne du meilleur club belge. Avec un petit détail, cependant, car un nul suffisait aux Mauves pour être sacrés champions. Un match nul qui sera acquis à domicile, et synonyme de titre pour les pensionnaires du Constant Vanden Stock. On pourrait également citer le come-back du Standard la saison précédente. Dernier à l'entame des playoffs, les Rouches finissent à un point du titre avec un beau vingt-six points pris sur trente possibles.


Actuellement, les PO1 se jouent à quatre, suite à l'augmentation du nombre de clubs (mais ça, c'est une autre histoire, belge de surcroît). Les positions sont donc très serrées et les chances de qualifications continentales sont amoindries. Les PO2 ne concernent plus que quatre équipes également, pour déterminer qui affrontera le quatrième des PO1.


En ce qui concerne les autres, c’est farniente et vacances, sauf pour l'avant-dernier qui doit jouer deux test-matchs contre le second de deuxième division, le dernier descendant directement à l’étage inférieur. Un championnat coupé en trois et des joueurs en repos dès fin-avril (malgré les playoffs) mais qu’il faut continuer à payer et à stimuler sportivement parlant.


Un bilan contrasté


Les playoffs ont, sans l’ombre d’un doute, permis à la Belgique de moins souffrir que d'autres championnats de niveau équivalent. Si le système remplit les caisses des clubs et les poches de certains, le Plat Pays n’a visiblement pas encore réglé tous les problèmes intrinsèques de son championnat.


En Europe, le bilan n’est pas flatteur. Les clubs ne cessent de prendre des casquettes (belgicisme pour dire valises) en Champions League (oui, on le prononce à l'Anglaise de ce côté-ci de la frontière). Au pays, les playoffs ont rabattus les cartes et ont permis d'élargir la base des grands clubs belges en plus des traditionnels trois. À Anderlecht, au Club Brugge et au Standard sont venus s'ajouter le Racing Genk et La Gantoise, qui a d'ailleurs fêté son premier titre, six années après la promotion des playoffs. Les autres titres se partageant toujours entre les historiques, n'en déplaise à certains Outre-Quiévrain.


Un sixième larron, l'Antwerp a lui aussi bien profité de ce système, en rejoignant systématiquement la première phase sur les dernières années. De plus, des clubs pour qui jouer l'Europe était mission impossible, se prennent désormais à rêver. Les meilleurs exemples sont Lokeren, Charleroi, Zulte-Waregem ou Oostende, qui trustent également les places continentales sur les dernières saisons.


Mais pour les autres, le championnat est juste une aventure de quelques mois, le temps de se sauver avant de relancer le même processus, la saison suivante.


Paraphraser l'excellent Swann Borsallino, invité dans l’excellente émission La Tribune, pourrait résumer la croisée des chemins dans laquelle se trouve actuellement la Belgique : « Les PO, je m'en fiche un peu. Pour moi, ce qui définit le niveau d'un championnat c'est sa Division 2 là où les jeunes ont plus de chance de jouer. Or, en Belgique, vous avez vu la D2 ? Il n'y a que huit équipes ».


Aujourd’hui, alors que certains pays se posent l’hypothétique question des playoffs au sein de leur championnat, la Belgique apparaît comme un modèle contrasté. Si la valeur marketing et marchande du championnat a explosé, son niveau footballistique n’a pas significativement évolué, et surtout pas sur la scène européenne. Couplé à son savoir-faire footballistique, la Belgique a su freiner, avec le système des playoffs, l’inexorable chute de son championnat à la fin des années 2000. Mais si elle veut aujourd’hui passer un véritable cap afin de pouvoir rivaliser avec ses voisins, il faudra bien plus, de la part de l’Union Belge, qu’une simple refonte perpétuelle du championnat.

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