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Munich a désigné son roi


Franck Ribéry marque un pénalty avec le Bayern Munich contre le TSV 1860


Si depuis plusieurs décennies, le Bayern met un coup de projecteur important sur la ville de Munich et sur la Bavière, un autre club de la ville, le TSV 1860 Munich, a lui aussi été sur la plus haute marche du football allemand. Deux clubs aux couleurs et aux valeurs opposées, qui se sont disputés la suprématie locale dans les années 60, mais qui après cette période, ont connu des trajectoires diamétralement opposées.


Des idéaux en totale opposition


Dans une ville principalement acquise à la cause du Bayern, un autre club tente de survivre face au mastodonte rouge et blanc : le TSV 1860 Munich. Club omnisports, fondé en 1860 (mais qui verra sa section football, l’être trente-neuf années plus tard), il est le club doyen de la capitale de la Bavière. Trouvant ses racines dans le quartier de Giesing, il représente la classe populaire munichoise, quand son homologue du Bayern est lui, celui de l’aristocratie bavaroise.


Alors que le Bayern décroche son premier titre de champion d’Allemagne en 1932 sous la présidence de Kurt Landauer et avec Richard Dombi comme entraîneur, tous deux Juifs, les Löwen, surnom du TSV 1860, vont de leur côté s’impliquer sous le Troisième Reich, avec les autorités nazies. Lors de ces heures sombres, le TSV 1860 est le club phare munichois et décroche en 1942, sa première Coupe d’Allemagne.


L’émergence de ce mouvement politique va d’ailleurs nuire au Bayern, considéré, à l’époque, comme un club Juif, ce qui va d’ailleurs précipiter le départ de son président historique, qui s’enfuira vers la Suisse après avoir été interné dans le camp de concentration de Dachau.


D’ailleurs en 1940, alors que le Bayern dispute un match amical à Zurich, certains joueurs se risquent à saluer Kurt Landauer, pour ce qui peut être perçu comme un acte de résistance de leur part. Après-guerre, Kurt Landauer fait son retour à la tête du Bayern Munich, avec pour mission de participer à la reconstruction de celui-ci. Encore aujourd’hui, une plaque commémorative à l’Allianz Arena évoque son souvenir.


La bataille des années 60


Après la Deuxième Guerre mondiale, les deux clubs munichois retrouvent leurs activités au sein de la zone d’occupation américaine et rivalisent, malgré un léger avantage côté 1860 et ce, jusque dans les années 60. C’est d’ailleurs ce dernier, tenant du titre du championnat régional en 1963, qui est choisi, par les autorités sportives, afin de représenter la ville de Munich, lors de l’instauration de la poule unique de Bundesliga, qui met fin aux compétitions régionales.


Alors que le Bayern évolue en deuxième division allemande, les Löwens décrochent leur deuxième coupe d’Allemagne. C’est seulement en 1965 que le Bayern retrouve l’élite, en s’appuyant sur une génération de jeunes joueurs prometteurs : Sepp Maier, Franz Beckenbauer, ou encore, Gerd Müller. En cette même année, 1860 s’incline en finale de Coupe des Coupes face aux Londoniens de West Ham. Un match disputé à Londres, dans le stade de Wembley.


L’année qui suit est celle de la domination munichoise sur le football allemand, avec le championnat national pour les Bleus & Banc de 1860 et la coupe nationale pour les Rouges du Bayern. C’est d’ailleurs à ce moment-là que les dynamiques s’inversent. Forts d’une coupe nationale glanée, les Bavarois sont qualifiés pour la prochaine édition de Coupe des Coupes. Une édition qu’ils remportent face au Glasgow Rangers et une finale disputée cette fois, à Nuremberg, dans la deuxième plus grande ville bavaroise. Il existe d’ailleurs, une expression en allemand qui se nomme, le Bayern Dusel et qui fait référence à la chance qui accompagne le Bayern depuis longtemps.


En 1967, le Bayern compte à son palmarès : un titre de champion d’Allemagne, trois coupes d’Allemagne, une Coupe des vainqueurs de coupe, alors que 1860 compte à son actif : un titre de champion d’Allemagne, ainsi que deux coupes nationales. Depuis cette date, si l’armoire à trophées du Bayern s’est très largement garnie, celle des Löwen reste inchangée et poussiéreuse.


L’essor du Bayern, le long déclin de 1860


Au cours du dernier tiers du XXe siècle, le derby munichois est devenu asymétrique, à l’instar de celui de Turin où un club a vraiment pris le dessus sur l’autre. Les Lions sont endettés et la direction décide de faire des économies sur l’effectif afin de réduire les dettes. La sanction sportive arrive en 1970, elle est irrévocable et le club quitte la première division.


À la même période, en 1972, la ville de Munich accueille les Jeux Olympiques d’été et voit les deux clubs de la ville déménager dans leur nouvel écrin : le tout nouveau Olympiastadion. Grâce à ce nouveau bijou capable d’accueillir 80 000 spectateurs et sous la présidence de Wilhelm Neudecker, Le Bayern, alors proche de la banqueroute, tente d’apurer ses dettes en remplissant le stade et remporte trois titres de champion d’Allemagne d’affilé, entre 1972 et 1974, ainsi que trois titres de champion d’Europe d’affilé entre 1974 et 1976, dont cette finale face à Saint-Étienne à Glasgow et ces fameux poteaux carrés.


Cependant cet effectif composé de joueurs, aussi champions d’Europe 1972 et champions du monde 1974 avec la République Fédérale Allemande, coûte cher, très cher. Malgré les rentrées d’argent liées à l’Olympiastadion, le Bayern vit à crédit et flirte avec la faillite en 1977. Deux années plus tard, il faudra le retour de l’ancien joueur du club, Uli Hoeness, en tant que manager, pour remettre les finances en ordre. Inspiré des modèles américains de la NBA et de la NFL, le nouveau manager enclenche le développement du sponsoring et des produits dérivés. C’est le début de l’expansionnisme et d’une forte croissance économique pour les Bavarois.


Sous l’impulsion d’Uli Hoeness, le Bayern devient le Crésus de la Bundesliga. Au cours des deux dernières décennies du XXe siècle, le club remporte la moitié des titres de champion d’Allemagne et joue les premiers rôles sur la scène européenne, participant à trois finales de Coupe des Clubs Champions, et remportant une Coupe de l’UEFA, face aux Girondins de Bordeaux. L’image de club Schicki-Micki, là où les célébrités viennent voir et être vues, s’en trouve alors renforcée.


Au même moment et jusqu’au début des années 90, 1860 oscille entre D2 et D3, entre le Grünwalderstadion pour les petits matchs et l’Olympiastadion pour les gros matchs. Le club a perdu de sa superbe, mais s’enracine davantage dans son identité de club de la classe populaire et locale. Il faudra l’arrivée d’un nouveau président, Karl-Heinz Wildmoser, pour redonner de sa superbe aux Sechzger (les Soixantards, autre surnom de 1860) et c’est sous l’impulsion de ce nouveau président, que la ville de Munich retrouve ses deux clubs en Bundesliga en 1994.


Les deux clubs munichois, deviennent même partenaires et travaillent sur la construction d’un nouveau stade de pleine propriété, sans piste d’athlétisme et avec un vrai toit, afin de ne pas louper le virage économique du XXIe siècle. Malgré quelques désaccords entre les deux clubs (notamment sur la capacité du stade), le projet voit le jour et L’Allianz Arena sort de terre en 2005. Un stade dans lequel chacun des deux clubs possède sa propre boutique et qui s’illumine en rouge lorsque le Bayern y joue et en bleu ciel quand c’est au tour de 1860 de fouler sa pelouse.


Goliath a écrasé David


SI 1860 a ambitionné reprendre du poil de la bête grâce à l’Allianz Arena, c’est finalement tout l’inverse qui se produira. Rétrogradé en Bundesliga 2, au crépuscule de la saison 2003-2004, le nouveau stade flambant neuf devient le bourreau des Löwen. La faute à un plan de financement du stade qui n’avait pas anticipé une potentielle descente et de facto, des défauts de paiement toujours plus importants.


Pris à la gorge et dans le but d’apurer ses dettes, 1860 va vendre ses parts au Bayern, pour un prix dérisoire et devient locataire de celui, devenu depuis, l’ogre bavarois. Malgré la décision de revendre ses parts, les problèmes économiques subsistent, du fait que le loyer est bien trop élevé pour un club de deuxième division et pour lequel il est impossible d’attirer plus de 60 000 supporters par match.


Dans le but de relancer les Löwen, un investisseur jordanien, Hassan Ismaik, récupère le club en 2011 et ambitionne de les sauver de la banqueroute, en évoquant un projet de nouveau stade, la Löwenarena pouvant accueillir 50 000 personnes. Malheureusement, les résultats ne suivent pas, la faute à des choix sportifs sens dessus dessous. Ce projet échoue finalement suite à la rétrogradation de 1860 en troisième division, en 2017, après un match de barrage contre Ratisbonne, malgré les 62 000 supporters présents au stade, ce jour-là. Excédé par la rétrogradation, Hassan Ismaik, jette l’éponge et refuse d’éponger d’énièmes dettes. Un refus qui accentue les problèmes financiers du club et qui envoie ce dernier, en quatrième division, en ligue amateure.


Après la chute de 1860 de D2 en D4, le club retrouve son stade de toujours, le Grünwalderstadion et ses 15 000 sièges. Par la même occasion, les Löwen résilient leur contrat de location à l’Allianz Arena. Le tout avec une clause de non-retour. Cependant, le Grünwalderstadion est à présent partagé avec l’équipe réserve du Bayern, ainsi qu’avec un autre club de la ville, le Türkgücü. Ce dernier fondé en 1975 et promu en troisième division en 2021.


Aujourd’hui 1860 est de retour en troisième division et ambitionne de remonter le plus rapidement possible en Bundesliga 2. Malgré cette descente aux enfers, les Löwen restent un club Traditionsverein, une institution omnisports munichoise, au contact de ses supporters et qui en dépit de ses mauvais résultats lors des dernières décennies, compte tout de même 23 000 membres, ce qui en fait le dix-septième club du football allemand en terme d’adhérents, au même niveau que Hanovre ou du Dynamo Dresde.


De son côté, le Bayern a repeint une partie des sièges du stade en rouge et a son écusson sur l’une des tribunes. Parallèlement, le club a construit, à proximité de l’Allianz Arena, un nouveau centre d’entraînement de huit terrains et un petit stade, accueillant les équipes de jeunes, et les féminines du club.


Depuis le début du XXIe siècle, le Bayern a remporté les 3/4 des titres de champion d’Allemagne, ainsi que trois Ligues des Champions. Le club est géré par d’anciens joueurs, garants de la continuité entre passé et présent. En 2021, c’est l’ancien gardien Oliver Kahn qui succède à Karl-Heinz Rummenigge et Uli Hoeness à la tête du club avec la lourde tâche de le maintenir au sommet, que ce soit sur les plans sportif, comme économique.


À présent, quand le journal télévisé allemand évoque le classement de la Bundesliga, sur le tableau, il est seulement indiqué « München » et non plus « FC Bayern München », tant il est évident aujourd’hui, que le Bayern est le représentant de la ville.


À travers le Bayern, la ville de Munich est perçue comme ouverte sur le monde et tolérante envers les autres cultures, sans pour autant se couper de ses traditions, dont une très connue qui est l’Oktoberfest. Le Bayern est d’ailleurs un vecteur de communication important de cette fête, tous les ans, les joueurs sont mis à l’honneur en tenue traditionnelle, chope de bière à la main, sous le chapiteau de Paulaner, brasseur munichois et l’un des nombreux sponsors du club.


Du fait des disparités sportives devenues trop importantes entre les deux clubs, la ville de Munich n’a que trop peu pu profiter de son Stadtderby (derby urbain). Actuellement, seule la coupe d’Allemagne peut offrir ce bon vieux derby des années 60, et le dernier en date eu lieu en 2008. Et qui d’autre que celui surnommé Kaiser Franck pour marquer le but vainqueur, s’approprier la couronne de la ville et rappeler à son rival d’un soir, que la marche est encore haute pour, peut-être un jour, revenir concurrencer, le Bayern Munich, roi de Munich, de Bavière et d’Allemagne.

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