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  • Photo du rédacteurNico

Mon aventure chez les Bareas



Je n'apprends rien à personne ici, en vous disant que le football n'a pas de frontières. Que ce soit, dans n'importe quelle bourgade, même les plus éloignées de notre planète, ce sport est pratiqué quotidiennement et intensément. Le temps de quelques lignes, laissez-moi vous conter l’histoire d’un voyage qui m’a vraiment marqué.


Marché, badjaj et Fosa Juniors


Après onze heures de vol, c’est fait, j’avais hâte d’atterrir à Madagascar ! Je suis (enfin) en vacances pour un mois afin d’y rencontrer ma belle-famille, vivant sur l’île.


J’ai à peine posé un pied à terre, que déjà, le comité d'accueil me fait face. Un comité chaleureux et incroyable, un vrai bonheur. Des sourires sur tous les visages que je croise, des gentils mots de bienvenue, des jeunes qui veulent nous aider à porter nos valises etc. Mais pourtant, c’est autre chose qui me frappe à la sortie de l’aéroport.


Dans une obscurité presque totale, des enfants jouent au foot avec comme ballon, des paires de chaussettes enroulées entre elles par un simple bout de ficelle. Il est 23h, peut-être plus, et après une petite minute sur place, je comprends déjà que Madagascar est fou de ballon rond.


Quelques jours plus tard, après m’être tranquillement installé, je me rends au marché pour acheter ce qu'il faut pour manger. On fait un peu de route en badjaj (le taxi local). Au bout de quelques kilomètres, je vois un stade de football ouvert, sans grilles, avec un gardien devant, rempli de plusieurs personnes venant faire de l'athlétisme autour du terrain.


En jetant un rapide coup d’œil aux alentours, je vois un planning d'affiché et, par chance, un match se déroule le soir même. Ni une, ni deux, je décide de m’y rendre. La nuit tombée, au stade, l’ambiance est très bon enfant : on y mange des brochettes, on boit un verre, on partage ses opinions sur le match, c’est une ambiance vraiment agréable.


Dans les tribunes, je suis le seul petit Vaza (blanc), et du coup, j'attire forcément un peu l'attention. On vient me voir pour me demander ce que je fais ici, on m'offre à boire, et après quelques verres, on commence à discuter football. Le moins que je puisse dire, c’est que les Malgaches sont de vrais passionnés de ballon rond.


En parallèle de nos conversations, l'équipe locale de Fosa Juniors ne fait pas dans la dentelle et gagne tranquillement 3-0. Sur le terrain, le niveau technique est vraiment super intéressant, même s’ils ne sont pas aidés par l’état du terrain. Physiquement, chaque duel est un véritable combat. Le chambrage est de sortie à chaque dribble et je ne vous parle même pas des petits ponts, lorsque le geste est réussi, c’est toujours (presque) fêté comme un but.


Un exemple ? Sur le terrain, je me souviens d’un joueur particulièrement, un n°7. Petit technicien vif et aimant le un-contre-un, il avait réussi à mettre un petit pont à son adversaire direct du soir. Au lieu de continuer son action, il s’était arrêté en plein élan pour se moquer !


Le public lui, hilare, s’était lui aussi mis à rire aux dépens du pauvre défenseur. Euphoriques, bruyants et déchaînés, les spectateurs représentaient parfaitement, ce soir-là, toute la passion et l’amour démesurés qu’ont les Malgaches pour le ballon rond.


La rue, le parking, la plage : tout est bon pour faire rouler le ballon


Car à Madagascar, peu importe l’endroit où vous êtes sur l’île, il y a toujours quelques petits matchs (souvent sur des terrains assez peu praticables d’ailleurs). Les parties se jouent régulièrement entre les équipes de chaque quartier, mais pas que. Dans tous les coins de rues, sur la plage, sur le parking, sur des terrains vagues, on fait des buts avec n'importe quoi et on joue. On joue à vingt contre vingt, dix contre dix ou cinq contre cinq. Peu importe, le nombre de joueurs, l’important c’est de jouer.


Un jour, je me balade avec mon ballon sur la plage et je décide de taper la balle avec les locaux. Je participe au match, on fait les équipes, capitaine (vu que j'ai le ballon), ce match me fait me rappeler, entre autres, des souvenirs d’école primaire et de collège.


Ce moment est extraordinaire. On se donne, on veut gagner, on s’arrache tous, et une fois le match terminé, on se réunit tous pour boire un petit verre de Dzama (un rhum malgache) et même si on ne parle pas la même langue, on se comprend, au moins aussi bien que sur un terrain de football. De mon côté, je bricolais les deux-trois mots que j'avais appris, et eux faisaient l'effort d'essayer de me comprendre.


À l'heure des adieux, je leur laisse la balle. Ce n'est qu’un ballon, mais pour eux, c’est bien plus que ça, c’est comme si je leur avais fait le plus beau cadeau du monde. Je suis touché de voir les réactions et les sourires, nous venions de s’offrir des heures de parties endiablées, et comme pour nous, le foot est là-bas, une source inépuisable de bonheur et retrouvailles avec les copains. Mieux, que ça même, le football est un vecteur sociétal qui forme et déforme (parfois) les groupes d’amis.


La CAN 2019 : quand l’amour et la folie se rencontrent


Comble de ce périple, durant cette période, la CAN 2019 se déroule en Égypte et pour la première fois de son histoire, Madagascar y participe. Je vais être honnête, je n’ai rarement vu un engouement aussi puissant qu’ont les Malgaches pour leur sélection nationale.


Après un nul initial contre la Guinée (2-2), les insulaires affrontent les Hirondelles du Burundi. On est en famille, en bord de plage, on regarde le match sur un petit écran dans un petit bar. L'hymne retentit, tout le monde se lève comme un seul homme et chante, le peuple est ému aux larmes.


Le match commence sur les chapeaux de roues et très rapidement, les Bareas prennent d’assaut les buts du Brunudi. Les coéquipiers de Faneva Andriatsima loupent plusieurs occasions décisives, mais, à un quart d’heure de la fin, Marco Ilaimaharitra délivre les siens et offre la première victoire de l’histoire de Madagascar en Coupe d’Afrique des Nations.


La fin de soirée est complètement folle et se déroule comme dans un film. Pour le match des Bareas contre le Burundi, le pays était à l’arrêt. Dès sept heures du matin, jusqu'au coup de sifflet final du match, tard le soir, les gens étaient dans la rue pour danser, chanter, mais surtout, pour être ensemble.


On danse, on chante, on boit des verres et au milieu de la foule, une personne d'un certain âge vient me voir pour me dire que c'est le plus beau moment de ses vieux jours. Une communion extraordinaire. Cette folie durera jusqu'en quart de finale et cette élimination sèche contre la Tunisie, malgré une résistance vaillante des Bareas qui ne craqueront qu’en seconde mi-temps.


Mais même dans la défaite, l'ambiance qui règne est dingue. Une grande fierté envahit toute une nation, le bonheur se lit sur les visages et les derniers «Alefa Barea !» (Allez les Bareas) résonnent dans la nuit avant le calme plat.


Le football comme langage, le ballon comme passeport, la mélancolie comme souvenir


C'est avec cette fière mais triste élimination que mon voyage en terre malgache prend fin.


S’il fallait vraiment mettre un point d’orgue à ce voyage, je retiendrais, que peu importe d'où l'on vient ou ce que l'on fait finalement, peu importe qu'on soit un passionné ou non de ce sport, peu importe que l’on soit riche ou que l’on soit pauvre, tout le monde est à égalité quand il s’agit de ballon rond. Le plus important finalement, c'est ça.


Malgré les huit mille kilomètres de différence entre la France et Madagascar, j'ai pu partager des moments et des souvenirs extraordinaires avec des gens que je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam, et qui avaient une culture différente de la mienne.


Des gens que je ne reverrais sans doute plus jamais, mais qui, grâce au football et à la passion, sont gravés dans ma mémoire pour le restant de mes jours.

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