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  • Photo du rédacteurSylvain

Larbi Benbarek, entre France et Maroc


Larbi Benbarek, joueur marocain et français dans un stade de football

Ce soir, la France et le Maroc s’affrontent lors des demi-finales de ce Mondial 2022. Et si les liens historiques entre ces deux pays ne sont plus à démontrer, à l’échelle du ballon rond, un homme, Larbi Benbarek, en est le symbole. Lui le Marocain, encore détenteur de la plus longue longévité sous la tunique tricolore. A quelques heures du coup d’envoi, nous souhaitons rendre un hommage à son histoire.


La naissance d’une légende


L’Afrique est une formidable terre de football. Il suffit de se promener dans les rues de n’importe laquelle de ses capitales pour se rendre compte à quel point le ballon rond y est important. Les couleurs des grands clubs locaux et européens sont omniprésentes, à chaque coin de rue enfants et adolescents tapent la balle, les jours de matchs les cafés sont bondés. Pourtant en quatre-vingt-douze ans et vingt-et-une éditions de Coupe du Monde, jamais une sélection africaine ne s’est hissée dans le dernier carré de la compétition. Pire, seules trois sélections africaines ont atteint les quarts de finale, le Cameroun en 1990, le Sénégal en 2002 et le Ghana en 2010. À chaque fois l’élimination aura été salée et décidée au bout des prolongations, voire des tirs au but. On se souvient du cruel destin qu’a réservé Luis Suarez aux Ghanéens lors du Mondial sud-africain.


Après une Coupe du Monde en Russie sans une seule sélection africaine sortie des poules, ce Mondial 2022 est celui qui répare cette anomalie. Trente-six ans après avoir été les premiers Africains à sortir des phases de poule, les Marocains deviennent les premiers à disputer une demi-finale. Et leur parcours est extrêmement flatteur. Sortis invaincus d’un groupe avec les deuxièmes et troisièmes de l’édition précédente ainsi qu’un alléchant Canada, ils ont fait faire des cauchemars aux Espagnols en huitièmes aux tirs au but grâce à un Yassine Bounou de gala. L’histoire est déjà écrite puisqu’il s’agit de leur meilleure performance en Coupe du Monde. Contre le Portugal, l’exploit devient miracle sur un but de Youssef En-Nesyri, le Maroc se qualifie parmi les quatre meilleures nations du Monde et affrontera la France championne en titre pour tenter l’impossible. Aujourd’hui, parmi les nombreuses histoires possibles à conter en marge de ce match, nous revenons sur la vie et la carrière de Larbi Benbarek, la Perle Noire.


Né vraisemblablement en 1917, les sources concernant même son lieu de naissance sont assez divergentes. Les uns le disent né à Tata dans le Sud marocain, les autres affirment que c’était à Casablanca. Toujours est-il que c’est dans la Maison Blanche qu’il se passionne pour le football, plus précisément dans les rues du quartier de Cuba. Il signe son premier contrat avec l’Idéal Club Marocain en 1934, avec lequel il joue une saison avant de rejoindre l’US Marocaine. Aujourd’hui disparu, c’est l’un des plus grands clubs marocains de l’époque avec notamment de multiples victoires en Ligue des Champions d’Afrique du Nord. Benbarek participe d’ailleurs à la finale de cette compétition en 1938, avec ses coéquipiers ils s’inclinent malheureusement face aux Algériens de l’USM Bône d'Alger.


Un destin hors du commun


C’est à ce moment-là que Benbarek commence à grappiller un peu de temps de jeu en sélection marocaine, ce qui lui permet de se faire remarquer en métropole. Les plus grands clubs se penchent sur son cas et c’est finalement l’Olympique de Marseille, alors champion de France en titre, qui s’adjoint ses services après plusieurs refus du club marocain. Ces prestations de haut vol impressionnent et il est très vite appelé en équipe de France pour disputer quelques matchs amicaux. L’aventure ne dure qu’une saison. Même si le jeune Marocain éclabousse le championnat français de son talent, l’Europe est rattrapée par la guerre et Benbarek retourne chez lui, à Casablanca en 1939.


Il reprend alors assez logiquement les couleurs de l’US Marocaine et évolue notamment aux côtés de Marcel Cerdan, dont la carrière de boxeur est mise en suspens par les conflits en Europe. Dans le même temps, Benbarek s’essaie au basket avec le Wydad de Casablanca. Il finit d'ailleurs par en rejoindre la section football avant de finalement revenir une nouvelle fois à l'US Marocaine suite à des différends avec le club wydadi. Puis arrivent la Libération par les Alliés et la Seconde Guerre Mondiale et ses atrocités sont définitivement balayées. Larbi Benbarek peut alors retourner exprimer son football sur le Vieux Continent. Son dévolu se porte alors sur le Stade Français que l'on connaît aujourd'hui principalement pour son club de rugby. La Perle Noire peut à nouveau se faire remarquer des spectateurs français, ce qui lui vaut d'être rappelé régulièrement en équipe de France.


Après trois saisons dans le club parisien, et sûrement par lassitude des championnats français et marocains, Benbarek prend la direction d'une autre capitale : Madrid. Il rejoint l'Atletico Madrid pour un montant record en Espagne à l'époque. Il y reste cinq années au total, bien qu'évoluer à l'étranger le prive de sélection en bleu. Cinq années à émerveiller les supporters Colchoneros, cinq années à confirmer ce que tout le monde sait déjà en France : Larbi Benbarek est hors-normes. Au terme de ces cinq années d'exil, il revient jouer pour le club de ses débuts européens : l'Olympique de Marseille.


Durant ces deux dernières piges olympiennes, il est invité en 1954 à participer à un match de gala de la sélection d'Afrique du Nord contre... l'équipe de France. Il offre à cette occasion un spectacle sans équivalent et permet à son équipe de défaire les Bleus 3-2. Suite à cette époustouflante performance, le public français réclame son retour au sein de l'équipe nationale. Ce sera chose faite contre l’Allemagne quelques jours plus tard, même si Benbarek se blesse à peine une demie heure après le coup d’envoi. Cette sélection lui permettra malgré tout d’établir un record, encore aujourd’hui toujours actif, celui de la plus longue carrière en Bleu qui a duré près de seize ans !


Suite à cela, il retourne jouer quelques saisons dans son Maghreb natal, à Sidi Bel Abbès et Rabat où il officie en tant qu’entraineur-joueur. Il prend sa retraite sportive en 1958 à plus de quarante ans. Après encore quelques expériences d'entraîneur au Maroc fraîchement indépendant, il arrête ses activités liées au football et retombe dans l’anonymat le plus total. Il meurt seul un jour de septembre 1992.


Larbi Benbarek est donc un joueur à part. N’ayant jamais obtenu la nationalité française, et aussi éclatant fussent-ils, il n’a pu disputer que des matchs amicaux avec l’équipe de France. Né pendant la Première Guerre Mondiale, il a éclos avant les premières légendes du football qu’étaient Pelé, Kopa ou encore Di Stefano. Le peu d’images dont nous disposons de lui aujourd'hui laissent transparaître un joueur virevoltant, extrêmement technique avec toujours un temps d’avance sur le jeu. Il évolue durant toute sa carrière au poste d'inter, une sorte de milieu offensif entre l'ailier et l'attaquant à l'époque du WM. On pourrait le comparer à un box-to-box très tourné vers l'avant. Mais Benbarek ne se distingue pas seulement par ses pieds mais aussi par son tempérament. En témoigne sa première sélection avec les Bleus à Naples en plein durant le régime fasciste de Mussolini, il est copieusement hué et insulté par le public italien. Sa réponse restera dans les mémoires, il entonne alors une Marseillaise chantée à tue-tête avec tout son cœur. Le public français est immédiatement conquis.


Si le joueur dont la vie aura été riche en performances, reste peu connu de nos jours, nombreux sont ses contemporains à être dithyrambiques à son sujet. À commencer par Just Fontaine ou encore Thierry Roland qui le considère en 1963 avec son ami Marcel Cerdan comme “l’un des deux grands noms du sport français au Maroc”. Il est même acclamé par le plus grand. Pelé, après l'avoir vu jouer, déclare : "Si je suis le roi du football, Benbarek en est le Dieu".

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