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La Coupe d’Europe chez les clubs français : une malédiction inexplicable ?


Didier Deschamps qui réconforte Fernando Morientes après la finale de Ligue des Champions 2004 :  Monaco / Porto


Ces dernières années, nos clubs français se sont mis en quête d'une troisième coupe européenne. Soulever un trophée européen est un réel objectif, et une ambition maintenant bien assumée, contrairement à une certaine période. Malgré quelques belles épopées dans l'histoire, cela n'a jamais été suffisant pour garnir notre palmarès sur la scène européenne. Cette année, le football français a d’ailleurs, connu une première partie de saison ensoleillée avec 100% de ses clubs qui se sont qualifiés pour les matchs à élimination directe du printemps. Malheureusement, est est arrivé le mois de mars, avec ses huitièmes de finale, et ses giboulées, qui n’auront laissé comme seuls rescapés que les deux Olympiques. Les quatre autres porte-drapeaux français, ont eux, été laissés sur le carreau, comme un air de déjà vu. Retour sur les raisons d’un désamour historique entre le football français et ses homologues européens.


Trop d’échecs pour si peu de réussites


Les clubs français, malgré une dizaine de finales de coupes d’Europe n’ont remporté que deux trophées. Du Stade de Reims du regretté Raymond Kopa à l’AS Saint-Etienne de Jean-Michel Larqué, les clubs français n’ont pas réussi à obtenir le Saint Graal que toute la France espérait. Il faudra attendre 1993 et le sacre de l’OM de Bernard Tapie, pour enfin connaître cette joie incroyable de soulever un trophée européen, et ce, malgré un échec deux années plus tôt contre les Yougoslaves de l’Étoile Rouge de Belgrade.


Trois ans plus tard, en 1996, c’est le club de la capitale qui remporte la C2 sous la houlette de Luis Fernández, contre les Autrichiens du Rapid de Vienne. On se dit alors que la France a enfin pris le train en marche en Coupe d'Europe. Il n'en sera rien.


Car au XXIème siècle, la donne n'a pas changé. En 2004, Monaco et Marseille se cassent les dents, respectivement sur Porto et Valence. En 2018, toujours en Europa League, les Olympiens butent une nouvelle fois sur un club espagnol, l'Atlético Madrid d'Antoine Griezmann, dans l’antre de l’Olympique Lyonnais : le Groupama Stadium.


D’ailleurs, au milieu des années 2000, l’Olympique Lyonnais, mastodonte du football français, n’arrive pas à briser son plafond de verre des 1/4 de finale, malgré des objectifs de victoires finales affichés en C1 et un recrutement à l’image de ses ambitions. Le club de Jean-Michel Aulas se verra éliminer par divers clubs, en passant par le FC Porto de José Mourinho, le PSV Eindhoven de Mark Van Bommel ou encore, le Milan AC de Super Pippo Inzaghi.


Dernier échec en date, le Paris Saint-Germain. Dans une Ligue des Champions bouleversée par le Covid, les joueurs menés par Thomas Tuchel font forte impression et se hissent jusqu'en finale face au Bayern Munich. Malheureusement, un but de l'ancien Titi Kingsley Coman viendra doucher les espoirs parisiens.


Si souvent désirée par nos clubs français, la deuxième étoile ne reste, pour le moment, qu'un mirage.


Et du coup, c'est quoi le problème ?


Plus de soixante ans après sa création, le bilan reste bien maigre. En six décennies, les clubs français n'ont réussi à ne prendre que deux malheureux trophées. Trop peu pour le soi-disant cinquième meilleur championnat d'Europe.


Car la France, qui aime s'auto-proclamer cinquième championnat européen, ne tient en réalité pas la comparaison face à ses voisins. Entre l'Hexagone et le reste du Vieux Continent, le gouffre est parfois abyssal et la réalité est tout autre. En vérité, la France joue dans une autre cour, celle du Portugal, de la Russie et des Pays-Bas. Avec des moyens bien inférieurs aux nôtres et une véritable politique sportive, ces pays ont su ramener bien plus de Coupe d'Europe que nous.


Le football français souffre d'un profond mal, celui de l'entre-soi. Si le modèle français a fonctionné fut un temps, force est de constater qu'il est aujourd'hui un peu dépassé. Trop autocentrée, la France a parfois du mal à voir plus loin que le bout de son nez et à faire confiance à des joueurs ou à des coachs étrangers, capables d'insuffler une nouvelle vision à un football qui en manque parfois cruellement.


Un exemple illustre parfaitement cet entre-soi pratiqué : Raymond Domenech. Président du syndicat des entraîneurs français, l'ancien sélectionneur des Bleus n'hésite jamais à descendre en flamme un coach étranger au détriment d'un entraîneur hexagonal (souvenons-nous de ses tweets sur les tacticiens italiens après Lyon-Juventus). Une posture compréhensible, de par sa fonction, mais qui vire vite dans un patriotisme exacerbé dès lors qu'un coach estampillé "France" élimine une équipe européenne.


Symbole du marasme du foot français, la présence d'un homme comme Raymond Domenech à la tête d'un organisme comme l'UNECATEF est aujourd'hui sujet à débat. Plus connu pour ses déclarations chocs et son goût pour la provocation, Domenech est pour bon nombre de fans de football, l'incarnation parfaite du K-O dans lequel règne encore parfois le football français. Son style, issu d'un autre temps, et son image sulfureuse, doivent désormais interroger sur sa légitimité à former et à accompagner les coachs de demain.


Malgré son rôle prépondérant au sein du foot français, l'entière responsabilité de ces échecs successifs ne sont pas à mettre sur le dos d'un seul et unique homme. Non, plus qu'un système à revoir, c'est une autre mentalité qu'il faut avoir, basée avant tout sur l'humilité.


Car pendant que les spécialistes parlaient de "tirage facile", que les analystes juraient que "ce n'était pas un match-piège", la réalité du terrain, elle, frappait durement nos clubs. Comment expliquer que les Girondins de Bordeaux, club historique de notre bonne vieille Ligue 1, tombent en barrage d'Europa League contre Videoton, club même pas champion de Hongrie ? Comment l'Astra Giurgiu ou l'Apollon Limassol peuvent éliminer les grands Olympiques de Lyon et de Marseille ? Comment justifier la défaite des Verts de Saint-Étienne contre Esbjerg ? Et la liste est encore longue.


Un excès de confiance et une prétention injustifiée sur et en dehors du terrain, quand il s'agit de jouer des Tchèques, des Roumains ou des Chypriotes, qui eux, donnent tout dès lors qu'ils participent aux grandes compétitions d'Europe. Car, du haut de sa tour d'ivoire, la France a tendance à souvent l'oublier, mais certains de ses clubs, soi-disant inférieurs en moyens, restent de grands institutions à l'échelle du continent.


Un désordre structurel, un problème de mentalité, mais aussi, une impossibilité à passer un cap sur le rectangle vert. Si tous les clubs français veulent atteindre les places européennes, peu nombreux sont ceux qui ont su séduire la France du football avec un jeu à la hauteur des ambitions affichées. Une continuité en Ligue 1 qui se retrouve foncièrement sur les pelouses européennes.


Les bons matchs se comptent sur les doigts d'une main et souvent, nos clubs nous ont régalés de prestations indigentes et indignes d'un championnat qui se veut relevé. Contre des clubs, souvent, soit méconnus du grand public, ou face à des géants endormis, la France a souvent fait pâle figure. Finalement, la Coupe d'Europe sert souvent aux entraîneurs, comme motif, pour se défausser de toute responsabilité, parlant parfois de calendrier surchargé ou d'effectif trop léger. Comme si les clubs français étaient les seuls à faire face à ce genre de problématiques.


Le syndrome Poulidor a aussi joué de vilains tours à nos clubs français. La défaite encourageante, nous venant du rugby a toujours été plus valorisée que la petite victoire. L’AS Saint-Étienne a d’ailleurs, paradé sur les Champs Élysées, après sa défaite en finale de C1 face au Bayern Munich. C’est seulement depuis le milieu des années 2010 que le concept de gagner salement est considéré, voire accepté par les amateurs de football français. Un concept importé par le sélectionneur national, Didier Deschamps, qu’il a incorporé à ses idées, lors de son expérience en Italie, du côté de Turin.


Le football français, au contraire de ses homologues européens, s’est aussi peut-être, durant de nombreuses années, trop focalisé sur les qualités intrinsèques de ses athlètes, tout en délaissant l’aspect psychologique (qui fait la différence lors des grands événements). Souvent, après un exploit en coupe d’Europe, les clubs ont pu avoir tendance à se relâcher et à se faire éliminer au tour d’après, par des équipes dites « plus faible ». Une problématique psychologique qui va bien au-delà du football français et qui pourrait être transposée à tous les sports de l’hexagone.


Dernier point et non des moindres, la question financière. En ce qui concerne la Ligue des Champions, pas de problème, mais l’Europa League, elle, pose le débat. Comment se faire la cerise sur le plan financier avec une compétition qui ne rapporte pas tant d’argent que ça aux clubs. Un sujet épineux pour les dirigeants, qui ont souvent fait l’impasse sur l’Europe, pour se concentrer sur le championnat au détriment des sentiments et d’une potentielle épopée qui aurait enivré les supporters. Une situation déjà vécue de l’autre côté de la Manche, chez nos amis anglais, qui durant des années, ont fait passer la Ligue des Champions au second plan, du fait que leur championnat rapportait beaucoup plus d’argent.


La Coupe d'Europe : le nouveau Fort Knox du club français ?

Alors, le tableau français est-il si noir que ça ? Non, bien sûr que non. Il existe beaucoup de motifs d'espoir pour les années à venir. La formation à la française, bien que perfectible, fonctionne à plein régime et est toujours capable de sortir de belles générations. De Camavinga à Gouiri, en passant par Kylian Mbappé, Bouba Kamara ou Maxence Caqueret, les équipes françaises savent qu'elles peuvent se reposer sur un vivier généralement qualifié d'impressionnant.


Et quand la formation ne donne pas satisfaction, les dirigeants n'ont plus les oursins dans les poches et s'ouvrent désormais sur d'autres footballs, capables d'apporter une réelle plus-value au football hexagonal. Les exemples récents de Patrick Berg à Lens, de Jens-Lys Cajuste à Reims, de Lovro Majer à Rennes ou des Néerlandais Calvin Stengs, Justin Kluivert et Myron Boadu (respectivement à Nice et à Monaco) viennent illustrer le virage à 180° pris par les clubs français.


Un renouveau qui s'inscrit dans une nouvelle dynamique : celui du trading à la française. En 2017, après leurs différentes demi-finales européennes, l’AS Monaco et l’Olympique Lyonnais ont réalisé des plus-values non-négligeables lors du mercato qui s’en est suivi. Les départs combinés de ses joueurs, ont permis au club monégasque d’emmagasiner plus de 400 millions d’euros. Idem pour les Gones, qui se sont délestés de certains joueurs formés au club, moyennant un total de 120 millions d’euros. C’est d’ailleurs post 2017 que les clubs français ont commencé à jouer la C3 plus sérieusement, avec probablement l’idée en tête de faire fructifier certains actifs.


Depuis l'arrivée de Luis Campos dans le projet monégasque puis lillois, et les investissements de Jim Ratcliffe à Nice, l'achat-revente de joueurs a donné des idées aux autres clubs. Surfant sur les différents modèles déjà existants (comme ceux de la galaxie RedBull ou des écuries portugaises), le trading s'est imposé comme un outil indispensable dans le renouvellement des méthodes de recrutement français.


Ce modèle est pourtant à double tranchant. S'il a fait le succès de certains clubs et de certains joueurs (Bernardo Silva à Monaco ou Victor Osimhen à Lille), il peut aussi s'avérer très dangereux pour la survie des clubs. Le triste exemple, cette saison, de Bordeaux cuvée Gérard López est la preuve que ce modèle a ses limites.


À Lille, si le trading a permis aux Dogues de gratter un titre de champion la saison passée, il agit aujourd'hui comme une épée de Damoclès au-dessus des têtes nordistes. Avec une dette s'élevant à plus de 100 millions et une obligation de vendre en urgence, il semble désormais compliqué de considérer les Lillois comme de sérieux prétendants à une qualification en Ligue des Champions à court, moyen terme.


Alors, pour mettre en avant ses joyaux, il faut les montrer. Et quelle vitrine plus prestigieuse que la Coupe d'Europe pour mettre en valeur ses bijoux de famille ? Depuis quelques années, les clubs montrent un regain d'intérêt pour les compétitions européennes. Ce regain s'explique d'abord par la possibilité de faire fructifier les investissements faits par les clubs, parfois au détriment d'un vrai projet sportif et émotionnel. Un modèle qui semble porter ses fruits pour le moment, mais jusqu'à quand ?

Le brusque changement, arrivé vers la fin de la précédente décennie et accéléré avec la crise du Covid et le fiasco Mediapro, s'est également déporté aux abords du terrain avec l'arrivée ou la confirmation d'entraîneur français disposant d'une vraie vision concernant leur football. De Julien Stephan à Franck Haise, en passant par Laurent Battles ou Olivier Dall'Oglio, l'entraîneur à la française a su opérer une énième mutation, en bien cette fois-ci. En parallèle, les gros clubs français (hors PSG) ont su attirer, dans leurs filets, des entraîneurs de renoms et avec de vraies idées de jeu (Peter Bosz, Nico Kovac ou encore Jorge Sampaoli). Un renouveau qui fait du bien et qui permet à la France d'envisager, pourquoi pas, de belles histoires en Coupe d'Europe dans les années à venir.


Fini la rigolade, maintenant, place aux actes

Si l'équipe de France, à travers son palmarès et sa mentalité exigeante, a su se légitimer auprès des suiveurs du ballon rond, la Ligue 1, elle, souffre encore d'indifférence et subit encore l'héritage de ses années noires.


Dans un pays de soixante-dix millions d'habitants, au vivier puissant, presque sans fond et qui a su former des générations impressionnantes de footballeurs, le modèle du championnat de France apparaît comme une hérésie.


L'an prochain, les supporters marseillais fêteront les trente ans de la seule victoire française en Ligue des Champions. Et si le temps passe pour les Olympiens, il presse pour la Ligue des Talents.

Revenu en grâce depuis quelques années, le championnat français n'a désormais plus de temps à perdre. Disposant de locomotives fortes à l'instar du Paris Saint-Germain, de Nice, de Monaco, de Rennes et des deux Olympiques, la France s'est enfin donnée les moyens de ses ambitions.


Mais pas question pour la Ligue 1 d'aller plus vite que la musique. Sur RMC, Daniel Riolo déclarait : « On juge réellement la compétitivité d'un championnat à sa manière dont il joue l'Europa League ». Le projet, celui de ramener une nouvelle Coupe d'Europe doit s'inscrire dans une vision à moyen-terme. Et qu'il faudra d'abord passer par les compétitions dites "moins prestigieuses" (comme la toute nouvelle Conférence League) pour engranger de l'expérience et se mettre au niveau d'exigence que requiert l’Europe.

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