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Arabie Saoudite : les dessous d'un coup de théâtre


joueurs saoudiens celebrant la victoire contre l'argentine

C’est un exploit qui restera dans les annales de la Coupe du Monde. Alors que dans ce groupe, il était difficilement envisageable de les voir occuper un autre rôle que celui de faire-valoir, l’Arabie Saoudite a su surprendre la planète foot en remportant son premier match face à l’Argentine de Leo Messi (2-1). Si ce succès relève du miracle et que la contre-performance argentine est à souligner, cette réussite relève surtout d’un long processus qui a vu cette sélection saoudienne se métamorphoser au fil des années.


Coupe du Monde 2018 : Rien qu’un aperçu


Lors de la Coupe du Monde 2018 en Russie, l’Arabie Saoudite nous avait laissé sur une impression très mitigée. Placée dans un groupe composé du pays hôte, de l’Uruguay, ainsi que de l’Égypte, la tâche fut ardue pour les Faucons Verts, en résultant une élimination au premier tour. Une élimination logique, aux explications multifactorielles. Premièrement, il ne faut pas nier le manque d’expérience dont les joueurs saoudiens ont fait preuve. En effet, peu d’entre eux avaient eu l’occasion de se confronter aux joutes européennes. D’ailleurs, dans la panique et à six mois du début de la Coupe du Monde, une fausse bonne idée émerge de la tête des dirigeants de la fédération : envoyer neuf joueurs en prêt en Liga afin qu’ils se testent et apprennent des standards européens. Salem Al Dawsari, star d’Al-Hilal et figure de proue de la sélection, est du voyage et rejoint Villarreal.


Cependant, cette décision est un échec et malgré une unique sortie de banc, face au Real Madrid, cette expérience s’avère peu concluante pour la star nationale. Au contraire, elle a même vu se renforcer le complexe des joueurs saoudiens envers les Européens. De plus, les frictions ouvertes entre la fédération saoudienne et le sélectionneur de l’époque, Bert Van Marwijk, n’ont fait que plonger la sélection dans l’instabilité. Des frictions dues au refus du néerlandais de vivre en Arabie Saoudite. Un refus qui a été vécu comme un grand manque de respect et qui lui aura coûté son poste à un an du début de la Coupe du Monde.


Enfin, pour son retour dans la plus prestigieuse des compétitions internationales et après douze ans sans la jouer, l'Arabie Saoudite a eu la lourde charge de démarrer face au pays hôte, le tout avec les yeux du monde braqués sur elle. Dans ce contexte, il était difficile pour les Faucons de s’affirmer. Néanmoins, leur bonne prestation face à l’Uruguay et leur victoire face à l’Égypte ont été annonciateurs du talent et de la solidité collective dont l’équipe pouvait faire preuve.


Hervé Renard, l’homme de la situation


Cette première expérience passée, la fédération fait appel à Hervé Renard. La relation démarre sur d’excellentes bases et le passif de l’entraîneur fait que les deux parties s’entendent à merveille. Jouissant d'une belle côte de popularité, l’entraîneur français est reconnu pour ses exploits sur le continent africain. Les Zambiens peuvent en témoigner, puisque Hervé Renard a inscrit leur première et unique ligne à leur palmarès à ce jour, en leur offrant la Coupe d’Afrique des Nations en 2012, face à l’armada ivoirienne. Cette dernière, justement, qui, sous ses ordres, sortira victorieuse de l’édition 2015, après une finale remportée face au Ghana. Enfin, les Marocains sous son management, ont de leur côté, redécouvert la joie d’une qualification en Coupe du Monde après vingt ans sans participation. Partout où il passe, Hervé Renard semble faire opérer sa magie.


Justement, la grande différence entre Bert Van Marwijk et Hervé Renard se trouve peut-être dans l'appréciation du poste. Si le premier a pris le travail comme tel, ne paraissant que peu impliqué, le second s’est imprégné de la culture de ses joueurs, du championnat local et du pays où il entame ses travaux. Historiquement, il est étonnant de constater qu’un sélectionneur des Faucons reste plus de deux ans à son poste. Un turnover énorme qui rend compliqué la tâche du tissage de liens avec ses joueurs. Et encore une fois, Hervé Renard se différencie, de part sa plus grande longévité, et réussi à imprégner sa marque sur l’équipe. À travers ces actes, le coach français démontre qu’il est possible d'avoir foi en lui. D’ailleurs, l’un de ses premiers choix forts, afin de redonner confiance aux joueurs, est d’exploiter à 100% la Saudi Pro League en ne s’appuyant exclusivement que sur des joueurs évoluant dans le championnat local. Une première en vingt ans.


Des joueurs clés, produit de la SPL


« L’avantage est que cela me donne la possibilité de suivre toute la saison saoudienne et de voir chaque match. Peut-être qu’un jour, il y aura un réel besoin pour les joueurs saoudiens d’évoluer à l’étranger, ce qui me conviendrait très bien, afin qu’ils se confrontent à un niveau plus élevé, par exemple en Ligue des champions. Mais à l’heure actuelle, je prends ça comme un avantage, même si cela signifie aussi que nous manquons un peu d’expérience contre des équipes plus compétitives comme celles qu’on peut trouver en Europe », disait Renard à ce sujet sur le site de la FIFA.


Si sur le papier, cette politique du local peut engendrer quelques désavantages, elle a tout de même le mérite de faciliter la cohésion. Que ce soit en tant que coéquipiers ou adversaires, tous se connaissent, facilitant grandement les automatismes. Les Faucons ont donc une base solide, composée de joueurs évoluant à Al-Hilal (neuf joueurs sur le XI de départ face à l’Argentine), tels que l’ailier Salem Al-Dawsari, l’avant-centre Saleh Al-Shehri, ou encore, le portier Mohammed Al-Owais. Ces derniers, qui, par ailleurs, ont été les acteurs protagonistes majeurs de la victoire historique face aux argentins.


Par ses choix significatifs, Hervé Renard est parvenu à créer une atmosphère où l’équipe joue plus libérée, abordant les matchs et affrontant n’importe quel adversaire avec pour seul objectif de l’emporter. La sélection l’a prouvé d'ailleurs, lors du deuxième tour des phases éliminatoires de Coupe du Monde (groupe D). Les Saoudiens finissent premiers avec six victoires et deux matchs nuls. Puis lors de la troisième phase, ils terminent aussi premiers dans un groupe relevé (composé entre autres du Japon et de l’Australie) avec sept victoires deux nuls et une défaite. Avec une unique défaite durant toute leur campagne de qualification, l’Arabie Saoudite conforte sa place majeure dans le football asiatique. Du côté des clubs, Al-Hilal détient le record de Ligue des Champions Asiatique avec quatre coupes à son palmarès, tout en étant le tenant du titre actuel.


Une base tactique embrassée par les joueurs


Lors de ses six matchs de préparation à la Coupe du Monde, les hommes d’Hervé Renard ont eu le temps de corriger le tir sur leurs différentes lacunes. Le jeu saoudien est basé sur deux points qui ont été mis en valeur lors de la rencontre face à l’Argentine.


Premièrement, la mise en place d’une ligne défensive haute, forte et constante, qui a eu pour but d’empêcher Messi ou encore Lautaro Martínez de prendre la profondeur. Un choix qui implique de garder un certain équilibre, et une vigilance de tous les instants, afin de ne pas laisser d’espace aux argentins. Ce 4-1-4-1 a mis à l’épreuve l’Albiceleste, qui s’est retrouvée à trois reprises en position de hors-jeu.


Lors de la seconde période, c’est le jeu offensif qui a été mis à l’honneur, après qu’Hervé Renard ait fortement insisté sur ce sujet à la pause, afin que ses joueurs poussent et mettent la pression sur les lignes reculées adverses. Le point fort est surtout collectif. Chaque joueur est très bien implanté dans le système de jeu. On ne compte pas sur le talent individuel de chacun, même si celui-ci est la cerise sur le gâteau. Chaque joueur entrant doit être en capacité de prendre le relai de son prédécesseur sur le terrain. Cette cohésion collective permet donc à la créativité des meilleurs joueurs de s’exprimer quand bon leur semble. C’est la raison pour laquelle le deuxième but vient d’un coup d’éclat individuel de Salem Al-Dawsari qui, au lieu de porter toute l’équipe, est complètement bonifié par celle-ci.


Après un coup comme celui réalisé face à l’Albiceleste, les hommes d’Hervé Renard ont toutes les raisons de rêver d’une qualification pour les huitièmes de finale et rejoindre dans les livres d’histoire, leurs ainés qui avaient atteint ce stade de la compétition lors de la Coupe du Monde 1994. Pour ce faire, une victoire, voire deux matchs nul face à la Pologne et le Mexique sont requis pour des hommes qui ont démontré que les complexes du passé était bien loin derrière eux.

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